Congés payés, la nouvelle done !

Rappel : Tous les salariés acquièrent, du fait de leur temps de travail effectif, 2,5 jours de congés par mois de travail (art. L3141-1 et s. CDT). Le droit européen avait rappelé à la France à plusieurs reprises qu’il est illicite de discriminer le salarié malade dans l’acquisition de ses congés payés. Ainsi, après quelques années de suspens et plusieurs rappels à l’ordre de la Cour de cassation au législateur, désormais l’absence pour arrêt de travail est assimilée à du temps de travail effectif pour le calcul des droits à congés :

  • Le salarié qui est en arrêt maladie (origine non-professionnelle) acquiert 2 jours ouvrables de congés par mois (24 jours / an) depuis la loi DDADUE du 22/04/24 (art. 37)
  • Le salarié qui est en arrêt accident de travail ou maladie professionnelle acquiert 2,5 jours de congés par mois (30 jours / an)

Si l'arrêt de travail est longuement prolongé, le salarié cumule-t-il tous ses congés ?

Le salarié malade avait déjà acquis des congés avant son arrêt, si en plus, il cumule des congés pendant par exemple, trois ans d’arrêt maladie… cela risque d’être considérable à porter pour l’employeur. Le législateur a donc modéré cela (art. L3141-19-2 CDT) : 
 

  • Les congés payés acquis avant l’arrêt, que le salarié ne peut poser du fait d’un arrêt de travail, sont reportés de 15 mois, à compter de l’information de l’employeur au retour du salarié

 

  • Pour les congés payés acquis pendant l’arrêt, on distingue deux cas de figure, et la logique est basée sur la période d’acquisition des congés payés (le plus souvent, du 1er juin année N, au 31 mai année N+1) :

 

    •  S’il s’agit d’un arrêt de moins d’un an, ne couvrant pas toute la période de référence d’acquisition des congés (en général 1er juin >> 31 mai), la période de report de 15 mois débutera à la date à laquelle le salarié après sa reprise du travail, reçoit de l’employeur les informations prévues au L. 3141-19-3 CDT (ex. sur sa fiche de paie).
    • Si à la date où s’achève la période de référence d’acquisition de congés (en général, au 31 mai), le contrat de travail est suspendu depuis au moins un an en raison de l’arrêt de travail, la période de report débute à cette date. Dans ce cas, lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n’a pas expiré, est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations prévues et l’employeur doit alors procéder à l’information du salarié. 
       

Au-delà de la période de report, les congés payés non pris sont perdus. 
 
 
Il est de jurisprudence constante que l’employeur doit assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé (Soc. 13 juin 2012, n° 11-10.929), mais la période de prise des congés payés relève de son pouvoir de direction (il peut imposer les périodes de congés, mais en respectant les règles légales et conventionnelles (délai de prévenance, ordre des départs en congés etc.). 

Dans notre exemple n°3, l’employeur devra distinguer 3 modalités d’acquisition de congés : 

  •  les congés payés acquis avant l’arrêt de travail (donc avant décembre 2021) => reportés de 15 mois, à compter du retour du salarié et de son information par l’employeur

 

  •  les congés payés acquis pendant l’arrêt, sur les deux périodes qui ne couvrent pas complètement la période d’acquisition des congés 
    • période de décembre 2021 à mai 2022 => reportés de 15 mois à compter de de l’information par l’employeur (à la reprise du salarié)
    • période de juin 2024 à décembre 2024 => reportés de 15 mois à compter de de l’information par l’employeur (à la reprise du salarié)

 

  • les congés payés acquis pendant l’arrêt ET couvrant totalement la période d’acquisition des congés 
    • période de juin 2022 à mai 2023 => reportés automatiquement de 15 mois à compter du 31 mai 2023
    • période de juin 2023 à mai 2024 => reportés automatiquement de 15 mois à compter du 31 mai 2024 


Ces dispositions sont-elles rétroactives ?

  • Pour les arrêts maladie, c’est rétroactif 
    • Si le salarié est toujours sous le même contrat de travail, il a 2 ans pour agir à compter de la promulgation de la loi (22.04.24). Un courrier recommandé demandant le bénéfice des congés doit suffire. Dans le cas contraire, le salarié pourra s’adresser au Conseil de Prud’hommes.
    • Si le contrat de travail a été rompu, le salarié peut réclamer jusqu’à 3 ans en arrière. La question est : 3 ans à partir de quand ? Si l’ex-employeur n’informe pas son ex-salarié, le délai ne peut pas commencer à courir (donc pas de prescription).

 

  • Pour les arrêts AT-MP, ce n’est pas rétroactif


Précisions complémentaires :

  • L’accord d’entreprise ou la CC peuvent fixer une période de report supérieure à 15 mois
  • Les congés doivent être posés (et non pas monétisés, ce n’est autorisé à ce jour QUE si le salarié quitte l’entreprise).
  • Si le salarié quitte l’entreprise, celle-ci doit appliquer la loi et payer. 
  • Au vu de la rétroactivité, une rupture de contrat antérieure à la loi DADDUE (22.04.24) peut justifier d’une réclamation d’un ex-salarié pour demander le paiement des congés qu’il aurait dû acquérir pendant l’arrêt maladie, ceci pouvant aller jusqu’au référé prud’hommal (vérifiez notamment, les licenciements faisant suite à une inaptitude). 
  • Il sera nécessaire de faire un décompte séparé des congés acquis au titre de cette suspension du contrat car le nombre de congés acquis pendant cette période est différent de celui acquis pendant les périodes de travail effectif ou les autres périodes assimilées à du travail effectif prévues à l’article L. 3141-5.